Le paradoxe Bissau-guinéen
Bamba Koté*
bambakote@hotmail.com
15.07.2010
Depuis
quelques jours, une question me taraude l’esprit. Que devait faire le président
de la république de Guinée-Bissau, son Excellence Malam Bacai Sanha face aux
dérapages de l’armée nationale ?
En effet, ce vendredi 09 juillet 2010, le président de la
république, commandant en chef des forces armées a convoqué les officiers
supérieurs de l’armée pour une réunion à laquelle était présente entre autre le
premier ministre et le ministre des forces armées.
En prenant la parole, le président de la république a tancé
les militaires pour ne pas dire qu’il a craché du feu sur les forces militaires.
Il a, au cours de cette rencontre abordé toutes les questions brulantes de
l’actualité qui touchent notre armée nationale telle que le trafic de drogue,
la violence, la répression, la question de subordination des militaires aux
civils…etc. sans mettre des gants et sans langue de bois.
Cette sortie musclée du président contre les militaires n’a
pas laissée de marbre les populations Bissau-guinéennes surtout les
professionnels de l’information et de la communication sociale. Chacun y allait
de son propre commentaire.
Si pour les uns, le président a bien fait de remettre les
militaires a leurs places, il n’en n’est pas ainsi pour d’autres qui voient dans
cet acte du président de la république une sorte d’humiliation de nos forces de
défenses. Pour ces derniers le chef de l’Etat est allé trop loin dans sa
déclaration. Quoiqu’il en soit, il fallait qu’un jour un président de la
république, garant de la souveraineté internationale puisse poser le débat sur
les rapports de force entre le pouvoir civil et le pouvoir militaire en somme
sur le détenteur réel du pour dans notre pays.
Pour ma part, il est clair et net que ma position s’aligne
derrière celle du chef de l’Etat, pas pour le défendre, mais plutôt pour des
questions de principes républicaines. La république est sacrée. Sa défense est
une obligation morale pour tous. Ces valeurs je les fais miennes car elles sont
inscrites dans notre charte fondamentale.
Déjà en première année de faculté de droit les premières
notions de droit constitutionnel tournent autour du thème de la république et de
sa sacralité. La république, dans sa forme moderne actuelle qui est en
contradiction totale avec la monarchie, découle de la révolution française de
1789. Nul n’est censé ignorer que dans un Etat de droit qui se veut respectable,
le militaire reçoit ses ordres du civil. Le rôle fondamental de l’armée est la
défense de l’intégrité territoriale et l’intangibilité des frontières. C’est à
dire que l’armée républicaine ou l’armée du peuple ne sort de sa caserne que
lorsque la souveraineté internationale du pays est menacée.
Or, jusqu’au moment ou le président de la république se
réunissait avec le haut commandement militaire, aucune portion du territoire
national n’était menacée par qui que ce soit aussi bien en interne qu’en
externe et la Guinée-Bissau n’était sous menace d’invasion d’aucune force
étrangère. Notre vaillante armée révolutionnaire du peuple devait être sagement
cantonnée dans ses différentes casernes a travers le territoire national sous le
commandement effectif de son tout nouveau chef d’état major général des armées,
le général Antonio Injai au lieu de s’aventurer à maintenir l’ordre public qui
est une prérogative réservée a la police. Ce n’est pas normal que les policiers
et les militaires se battent avec les armes payée avec l’argent du pauvre
citoyen a la main en plein marché bandim comme dans un film western. Nous sommes
en république et elle est régie par des normes que tout le monde se doit de
respecter. Personne ne peut dire qu’il ignore la loi et personne n’est au dessus
de la loi. Dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il est
clairement écrit que «tous les hommes naissent libre et égaux devant la loi» le
président de la république à bien fait de siffler la fin de la recréation pour
que tout le monde rejoigne les rangs.
Il m’arrive d’ailleurs parfois de me demander si nos soldats
comprendront un jour que la sécurité intérieure ne relève pas de leur ressort,
même si exceptionnellement ils peuvent être appelés en renfort. Le président de
la république a tout a fait raison de dire ses quatre vérités a notre armée
nationale pour que la cause soit entendue.
Il est de notoriété publique que l’armée a toujours été le
principal distributeur de violence dans le pays. La position prise par le
président a au moins le mérite de faire comprendre a notre armée nationale qu’il
est plus que temps qu’elle ferme ses robinets de distribution de violence et
qu’elle se cantonne dans ses casernes. C’est comme ça que les choses
fonctionnent dans toutes les républiques du monde qui se veulent jacobin. Une
charte fondamentale, des pouvoirs séparés, des institutions régulières, une
armée républicaine…etc. se sont là autant d’instruments nécessaires à la bonne
marche d’une nation dite républicaine. Il faut que l’armée comprenne une bonne
fois que les temps ont changés et que le kaki n’a plus la cote. Dans un Etat de
droit, c’est toujours le militaire qui obéit au civil. Le militaire doit
comprendre que le costume commande l’uniforme, le casque s’enlève à l’annonce de
la cravate, les bottes reculent devant les souliers ….etc.
Toutefois, il faut dire aussi que les politiques ont une
part de responsabilité très grande dans l’immiscion des nos vaillantes forces
armées dans la sphère politique. Que les politiques fassent la politique sur le
terrain politique et arrêtent de faire des appels de pieds a l’armée nationale.
La préoccupation majeure de nos hommes politiques, de quelques bords politique
qu’ils se situent, fuissent-ils de la majorité ou de l’opposition doit plus être
le bien être du peuple Bissau guinéen que de toute autre chose. Il urge de
sortir cette population meurtrie de Guinée-Bissau de cette situation de
précarité absolue qui se manifeste par la faim, la soif, le manque
d’électricité, de médicaments dans les hôpitaux, de l’insalubrité, de
l’insécurité…etc. Pour ma part, je tire mon chapeau au chef de l’Etat pour
avoir osé dire très haut aux militaires ce que tout le monde dit très bas.
Une fois n’étant pas coutume, je voudrais dédier cette
modeste contribution à mon jeune frère décédé le vendredi 25 juin 2010 à la
fleur de l’âge. 33 ans de vie, seulement un mois de mariage et sans enfant.
Séco Fanta Mady KOTE (Ché KOTE), Tu sais jeune frère, tu as
été pour moi plus qu’un frère. Tu as été un véritable ami, un compagnon et un
complice. Par ma plume, toute la famille kote y compris notre chère mère et ta
très chère épouse, te rendons un vibrant hommage et te souhaitons de reposer en
paix au cimetière de Ntula à Bissau.
«Pa deus
dau un canto na si glória nha querido irmão»
Vive la liberté en Guinée-Bissau
Vive la démocratie en Guinée-Bissau
Vive la république de Guinée-Bissau
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